La pyramide de la Croix de Toulouse est située à l'intersection de l'ancienne route de Bourgogne D138 et de la route de Fontainebleau à Fontaine-le-Port D116.
Plusieurs arrêts du Conseil de Louis XV, datés de 1723 à 1725, ordonnent le percement de nouvelles routes de chasse à travers la forêt et la construction d’une croix au croisement de la route de Bourgogne et de la route de Fontainebleau à Fontaine-le-Port : « Sur ce qui a été représenté au Roi, en son Conseil, par le sieur marquis de Montmorin, gouverneur et capitaine des chasses de Fontainebleau, que Louis XV, dans l'intention de faire planter une croix dans la forêt dudit Fontainebleau par les soins du sieur marquis de Saint Herem, père du susnommé, lui avait donné une colonne pour être employée à cet usage ; en conséquence Sa Majesté a ordonné que cette colonne servirait à la construction dont il s'agit, dans l'un des carrefours de la forêt de Fontainebleau, et a enjoint au sieur de La Faluère, grand maître des eaux et forêts du département de Paris, de tenir la main à l'exécution de cet arrêt. »
Construite en 1725, la croix de Toulouse est un hommage à un ami cher du jeune Louis XV alors âgé de 16 ans, son mentor de chasse, Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, fils illégitime de Louis le quatorzième.
La Pyramide de la Croix de Toulouse en 2022.
La colonne offerte par Louis XV pour édifier la Croix de Toulouse provenait de la Belle-Cheminée du château de Fontainebleau, située dans la salle du même nom. Cette monumentale cheminée fut démontée vers 1725 en vue d'établir une salle de théâtre. La Belle-Cheminée fut construite par Henri IV et achevée en 1599, elle comportait quatre colonnes de marbre. L'abbé Guilbert, dans son ouvrage sur le château de Fontainebleau publié en 1731, mentionne « quatre colonnes d'ordre de Corinthe, d'un très beau marbre brogatelle ». Le marbre de brocatelle rappelle l'étoffe du même nom, il est généralement de couleur rougeâtre.
Une autre des quatre colonnes de marbre de la Belle Cheminée servit à supporter sur la Place d'Arme de la ville de Fontainebleau le buste de Marat, lors de la fête civique donnée par le Club des Amis de la Constitution le 20 vendémiaire de l'an II (11 octobre 1793). Une autre, dit-on, servit à orner le jardin de la propriété Guérin à Fontainebleau. Enfin, une dernière colonne a été placée en 1887 dans le jardin Anglais du château, au lieu où s'élevait autrefois la Fontaine Belle-Eau. Sous le règne de Louis XVI, en 1787, des travaux d’aménagement sont effectués afin d’élargir le carrefour de la Croix de Toulouse, à cette occasion, de nombreux ormes sont plantés à l’initiative du grand-maître de Cheyssac.
Portrait du comte de Toulouse par Hyacinthe Rigaud, Château de Versailles.
La croix doit son nom à Louis-Alexandre de Bourbon, né en 1678, dernier des enfants naturels que Louis XIV eut avec la marquise de Montespan. Légitimé par son père en 1681, il reçoit à l'occasion le titre de comte de Toulouse, puis celui de duc de Penthièvre et duc de Rambouillet. Nommé amiral de France à cinq ans, il n'en a que quatorze lorsqu'il accompagne son père en Belgique, où il participe au siège de Mons, puis de Namur en Hollande où il est légèrement blessé. En 1702, le comte de Toulouse prend la tête d'une escadre qui lutte à Messine et à Palerme lors de la guerre de Succession d’Espagne. En 1704, il combat les Britanniques à Malaga et leur inflige de lourdes pertes. Comprenant qu’il allait bientôt mourir, Louis XIV fait promulguer un édit daté de juillet 1714, déclarant le comte de Toulouse apte à succéder au trône à la suite des princes légitimes et lui donnant le rang de prince du sang.
Portrait du comte de Toulouse par François de Troy, collection privée.
Après la mort du Roi-Soleil en 1715, Louis XV succéde à son arrière-grand-père et l’édit attribuant rang de prince du sang au comte de Toulouse est cassé par le Parlement de Paris en 1717. Le nouveau roi n’ayant que cinq ans, la régence est confiée à son oncle, le duc d’Orléans. Toulouse sait se faire modeste face au nouveau pouvoir, il refuse de participer aux intrigues contrairement à son frère, le duc du Maine. On le récompense en lui offrant la direction du Conseil de la Marine et il conserve sa charge d’amiral de France. Il est Grand Veneur de 1714 à 1737, date de sa mort. Selon Saint-Simon, Toulouse acheta sa charge 500.000 livres au duc de La Rochefoucauld, et joignit sa meute à celle de son père, l’augmentant considérablement. La charge sera ensuite transmise à son fils, Louis-Jean-Marie de Bourbon.
Le Forhu à la fin de la curée, Jean-Baptiste Oudry, 1746,
Château de Fontainebleau.
Le comte de Toulouse est réputé pour sa beauté, il a hérité de la blondeur bouclée et du beau regard de sa mère et des lèvres ourlées de son père. Mais sa grâce naturelle est amoindrie par une grande froideur et un regard triste. Il est connu pour son laconisme et son goût du secret, il n’est pas bavard. Est-ce l’effet des sentiments qu’il inspire à la cour ? Sa légitimité est toujours battue en brèche par les courtisans des deux règnes, on se charge de lui rappeler qu’il n’est et restera toujours qu’un bâtard. Au mois d’avril 1724, Louis XV, alors âgé de quatorze ans, se rend à Rambouillet chez le comte de Toulouse. Le jeune roi participe à sa première chasse à courre et se découvre une passion qui l’animera toute sa vie. La même année, le roi se rend à Fontainebleau et y séjourne plus de trois mois, il chasse le cerf et le sanglier presque tous les jours. Le 3 novembre, jour de la Saint-Hubert, patron des chasseurs, une grande chasse est organisée. Les équipages du roi et de nombreux princes réunissent plus de mille chevaux et autant de chiens. On se rassemble à la Croix de Toulouse, qui devient désormais le rendez-vous des chasses de la Saint-Hubert.
Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, Jean-Baptiste Oudry, 1738
Château de Fontainebleau.
Le père jésuite Tournemire flatte la passion cynégétique du jeune roi en déclarant « que l'inclination dominante pour la chasse est dans un jeune Prince le présage d'une vertu héroïque » car « la chasse est l'image de la guerre ». La bourgeoisie est plus réprobatrice, en août 1724, l'avocat au parlement de Paris Jean-François Barbier note dans son journal que « le roi ne songe qu'à la chasse. C'est dommage, il est bien fait et beau prince, mais qu'y faire si c'est son goût ? Il est en place à ne point se gêner ».
Louis XV, Rosalba Carriera, c. 1721, Gemäldegalerie Alte Meister.
Le comte de Toulouse décède à son domaine de Rambouillet, le 1er décembre 1737, et y est inhumé. Son épouse, Marie-Victoire de Noailles, obtient du roi que leur fils, le petit duc de Penthièvre hérite des charges d’Amiral de France, de gouverneur de Bretagne et de Grand Veneur. Toujours très proche du monarque, la comtesse de Toulouse décédera en 1766. À l’image de son père, Louis Jean-Marie de Bourbon restera à l’écart des intrigues de la cour et sera apprécié de Louis XV comme de Louis XVI.
Louis Jean-Marie de Bourbon par Jean-Marc Nattier, musée d'art de Toulouse
En décembre 1783, il doit céder à Louis XVI son domaine de Rambouillet, le roi désirant un vaste domaine de chasse dans la forêt des Yvelines. En quittant à regret le domaine où il était né et qu'il avait tant aimé, le duc de Penthièvre emporte les cercueils de son père, de sa mère, de sa femme et de ses enfants, qu'il fait déposer dans la collégiale Saint-Étienne de sa propriété de Dreux. À la fin de sa vie, il voit la chute de la monarchie et l'avènement de la Première République avant de mourir le 4 mars 1793, en son château de Bizy, en Normandie.
Le château de Rambouillet
Au carrefour de la Croix de Toulouse se trouvait un kiosque en forme de pavillon chinois, bâti en 1784 par l'architecte Rousseau pour la reine Marie-Antoinette. Autour du pavillon on avait planté des arbres exotiques qu’on désirait acclimater à la forêt : pins de lord Weymouth, génévriers de Virginie, pins laricios, épicéas, platanes, tulipiers et autres espèces. La reine visita son pavillon lors des séjours de 1785 et 1786. Le pavillon de
« la scélérate Capet, source de tous les maux », guillotinée le 16 octobre 1793, fut rasé de fond en comble la même année.
Marie-Antoinette en robe de mousseline, dite aussi en « gaulle », tenant une rose,
par Élisabeth Vigée le Brun. Darmstadt, Schlossmuseum. Exposé au Salon de 1783, ce tableau fit scandale, car on trouvait que la reine ainsi vêtue était « comme une femme de chambre ».
Alexis Durand raconte qu’en 1776, pendant un voyage à Fontainebleau, Marie-Antoinette, alors âgée de 20 ans, suivait une chasse de son mari Louis XVI non loin de la Croix de Toulouse. Une jeune dame de sa cour fit une chute de cheval et ses vêtements restant accrochés, elle fut obligée de suivre sa monture en courant. Deux gentilhommes se portèrent à son secours mais très vite les deux hommes se découvrent rivaux car ils s’étaient amourachés de la belle cavalière quelques jours plus tôt. Oubliant de lui porter secours, les deux prétendants devenus d’implacables ennemis, se livrent à un combat sans merci. Bientôt arriva une brillante calèche, c’était la reine qui venait elle-même au secours de sa dame d’honneur. Le roi fut informé de cette affaire et réprimanda sévèrement les deux amoureux.