La Croix de Vitry


Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau
 La Croix de Vitry est située à l'intersection de l'ancienne route de Bourgogne D138 
et de la route du Pavé de la Cave D606.

La Croix de Vitry aurait été érigée en 1598 par Louis de Gallucio de L'Hospital, marquis de Vitry. Né vers 1555, Louis de L'Hospital était d’une famille originaire du royaume de Naples, les Galluccio, qui vint s’établir en France et dont Jean de Galluccio (1) fut naturalisé par Philippe VI en 1349. Il avait comme grand-oncle, Henri-Alof de L’Hospital, favori de François Ier, seigneur de Choisy-aux-Loges, grand forestier de la forêt de Bière (1532), chambellan du roi, gouverneur de Brie, capitaine de Fontainebleau. À cette époque, le capitaine du château s'occupait, entre-autres, de la conservation du gibier et de la répression des délits de chasse. Il avait sous ses ordres tout un personnel de garde qui faisait la police de la forêt.

Louis de L'Hospital, marquis de Vitry
Louis de L'Hospital, marquis de Vitry
Minutes du Recueil pour servir à l'histoire de l'Ordre et des commandeurs, 
chevaliers et officiers de l'Ordre du Saint-Esprit, par Clairambaul, XIV Année 1597

Le marquis de Vitry fut un membre important de la Ligue catholique opposée aux royalistes menés par Henri IV. Il était attaché à François de France, duc d'Alençon et frère du roi Henri III. Après la mort du duc d'Alençon en 1584, Vitry passa au service du roi. Lorsque ce dernier fut assassiné, le 1er août 1589 par le moine dominicain Jacques Clément, Vitry refusa d'obéir au nouveau roi Henri IV, car il était un Protestant frappé d'anathème. Il rejoignit la Ligue catholique en passant au service du duc Charles de Mayenne de la maison de Guise. Vitry participa à la défense de Paris, lors du siège de 1590 par les royalistes, en se battant ardemment à la tête de ses 250 hommes. Durant les trois années qui suivirent, il ne cessa de combattre Henri IV qui luttait pour reconquérir son royaume. Vitry était pourtant apprécié par le Béarnais de par son rôle de négociateur entre les royalistes et la Ligue. Louis de L'Hospital proposa au roi de se convertir au catholicisme afin de terminer la guerre : « si vous étiez catholique, Paris viendrait vous adorer comme un dieu sur terre. »

Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau
Henri IV faisant entrer des vivres dans Paris 
par François André Vincent, 1783, Musée du Louvre.

Le 6 février 1592, Henri IV mit le siège devant Rouen. Des troupes espagnoles, alliées à la Ligue, commandé par le duc de Parme Alexandre Farnèse, se rendirent au secours de la ville. S'étant porté à la rencontre des Espagnols, le roi fut mis en difficulté près du village d'Aumale, sur la rivière Bresle. Henri IV, accompagné d'une quarantaine d'arquebusiers à cheval, se réfugia dans une maison isolée. Vitry était alors à l'avant-garde des troupes Espagnols, voyant Henri IV en grand danger, il décida de ralentir l'ardeur des ligueurs et laissa au roi le temps de battre en retraite. Mais le duc de Mayenne engagea la poursuite des royalistes, un tir de mousquet atteignit Henri IV qui fut légèrement blessé. Le roi ne dut son salut qu'à une habitante d'Aumale, Jeanne Leclerc, qui abaissa le pont-levis juste le temps nécessaire pour qu'il se réfugie dans la ville fortifiée. 

Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau
Pont Henri IV, Aumale en Seine-Maritime.

le 25 juillet 1593, à la basilique de Saint-Denis, Henri IV abjure le protestantisme et se convertit au catholicisme. Dès lors, Vitry se rallia à la couronne, abandonnant définitivement le camp de la Ligue. Il déclara au duc de Mayenne que, puisque le roi était maintenant catholique, il ne pouvait demeurer plus longtemps dans le parti de ses ennemis. La veille de Noël 1593, il rassembla les notables de Meaux, leur remit les clefs de la ville, congédia la garnison et se retira dans sa maison. Mayenne, furieux, envoya des troupes à Meaux, mais les portes de la ville restèrent closes. Début janvier 1594, Henri IV prit la ville sans combattre. Dans la foulée de son ralliement au roi, Louis de L'Hospital publia le Manifeste de Monsieur de Vitry, Gouverneur de Meaux, à la noblesse de France. Ce texte eut une grande influence et de nombreux nobles suivirent son exemple. Le 22 mars 1594, Vitry accompagna Henri IV lors de son entrée triomphale dans Paris. Le roi, reconnaissant, le nomma capitaine de ses gardes, maître de camp de la cavalerie, lieutenant de la Vénerie et Fauconnerie, gouverneur de Meaux et capitaine de Fontainebleau. Il lui fut permis d’ajouter une fleur de lys dans ses armes. En 1597, il fut gratifié du collier de l'ordre du Saint-Esprit. 
 
Entrée d'Henri IV à Paris, 22 mars 1594. Gravure de Léonard Gaultier.
« Les Monumens de la Monarchie Françoise », Bernard de Montfaucon, 1733.

Dans la soirée du 14 juin 1602, à Fontainebleau, le roi demanda au marquis de Vitry d'arrêter le Maréchal de Biron et le comte d'Auvergne pour avoir conspiré contre sa personne. Vitry s'acquitta de sa tâche puis escorta les prisonniers à la Bastille, à Paris, où le duc de Biron fut décapité le 31 juillet. 
 
Le duc de Vitry mettant aux arrêts le Maréchal de Biron à Fontainebleau.

Le 14 mai 1610, jour de l’assassinat d'Henri IV, au moment de quitter le Louvre pour se rendre à l’Arsenal, le roi avait donné l’ordre à Vitry de préparer le retour de la reine. « Pour le moins, sire, avait répondu Vitry, que je vous laisse mes gardes — Non, dit le roi, je ne veux ni de vous, ni de vos gardes ; je ne veux personne autour de moi. » Alors, le poignard de Ravaillac ne rencontra plus aucun rempart. Marié à François de Brichanteau, le couple eut trois filles, Antoinette, Louise et Anne et deux fils, François et Nicolas, qui furent tous deux élevés à la dignité de maréchal de France. Louis de L'Hospital avait sa résidence au château de Nandy en Seine-et-Marne, il meurt en 1611 à Paris ou Londres selon certaines sources.

Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau
Assassinat d'Henri IV par Charles-Gustave Housez, 1860. Musée d'Orsay.

La Croix de Vitry finit par tomber en vétusté. Elle fut relevée en 1679 par François-Marie de L'Hospital, deuxième duc de Vitry, le marquisat de Vitry étant devenu un duché du temps de son père. Il est le petit-fils de Louis de L'Hospital et le fils de Nicolas de L'Hospital (1581-1644). Né vers 1620, François-Marie suivit d’abord la carrière des armes et devint maître de camp du régiment d'infanterie de la reine Anne d’Autriche, mère de Louis XIV. Mécontent de son avancement dans l’armée, il entra dans le parti de la Fronde dont il fut l’un des généraux. Après le pardon du roi Louis XIV, en 1660, il fut nommé lieutenant-général en Brie et maréchal de camp. Le duc de Vitry servit la diplomatie du royaume de France en tant qu'ambassadeur à la Diète de Ratisbonne et envoyé extraordinaire en Bavière. Il participa aux négociations qui aboutirent aux Traités de Nimègue, mettant fin à la guerre de Hollande mené par Louis XIV. 
 
Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau
Le duc de Vitry reconstruisit presque entièrement le château familial de Nandy, près de Melun, fortement dégradé durant les guerres de Religion. On le disait proche du poète Nicolas Boileau et pourvu d’un caractère ombrageux et colèrique. Trouvant son épouse trop volage, le duc de Vitry fit enfermer sa femme, Louise-Elisabeth-Aimée Pot de Rhodes, dans un couvent de Paris. Cette réclusion n'empêcha nullement « la Vitry » d'avoir de nombreuses aventures avec des étrangers de passage, les chansonniers s'en amusaient beaucoup et rimaient des vers licencieux sur la vie sexuelle de la duchesse.

Beau Montrevel, ne croyez pas
Que la Vitry paye vos charmes,
Vous vendez trop cher vos appas,
Et donnez au coeur mil allarmes;
Mais son Palefrenier, son cocher, ses Laquais
La baisent a moins de frais.


Le cardinal de Retz, dans ses mémoires, se plaint des excès du duc de Vitry et de ses amis : « Ils étaient cruellement débauchés et la licence publique leur donnait encore plus de liberté, ils s'emportaient toujours dans des excès qui allaient jusqu'au scandale ». Peut-être est-ce un retour à Dieu, à la fin de sa vie, qui fit que François-Marie restaura la croix érigée par son aïeul. Le 4 juin 1679, le curé de Bois-le-Roi donna sa bénédiction à la nouvelle croix. Le duc de Vitry n'était pas présent pour assister à la cérémonie, il rendit son dernier souffle quelques semaines auparavant, le 9 mai 1679. Il fut inhumé dans l'église du couvent des Minimes de la place Royale, aujourd'hui place des Vosges, l'église fut détruite en 1801.
 
Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau La Croix de Vitry est abattue en 1793 et rebâtie en 1827. En 1996, un camion la renverse, elle est alors restaurée puis remplacée en 2006. 
 
Coordonnées géographiques de la Croix de Vitrey : 48°28'28.5"N 2°40'43.1"E

Note (1) : Jean de Galluccio prit le nom de l'Hospital car un des parents de son beau-père, Jean de l'Hospital, clerc des arbalétriers du roi Philippe VI de Valois, seigneur de Montignon et d'Ozouer-le-Voulgis, le fit son héritier à condition qu'il porte son nom et ses armes. Jean de Galluccio de l'Hospital épousa Jeanne de Braque, dame de Choisy-aux-Loges, fille de Nicolas, seigneur de Châtillon-sur-Loing. Il meurt le 13 décembre 1376. (Dictionnaire de la Noblesse par De la Chenaye-Desbois et Badier, 1866.)


Croix de Vitry, forêt de Fontainebleau
 
La Croix de Vitry en 1930