La Belle-Croix est située à l'intersection de la route Ronde D142
et de la route forestière de Luxembourg.
C’est la plus ancienne croix de la forêt, elle fut érigée vers 1304 par un certain Pierre Tapereau. Le plan dressé en 1624, par Hugues Picart, désigne cette croix sous le nom de Croix Tappreau. En 1504, Simon Tapereau fit remplacer la croix, alors tombée en ruine, par une autre, formée d’un seul bloc de grès de douze pieds de haut. Cette nouvelle croix était si bien travaillée que l’ancien nom de Croix Tapereau fut changé en celui de Belle-Croix. Sur le piédestal on lisait, en caractères gothiques, les mots suivants :
DEUX CENTS ANS A QUE DANS CE LIEU
PIERRE TAPEREAU FIT POSER
UNE CROIX EN L'HONNEUR DE DIEU,
POUR LA VOIR A TOUS EXPOSEE
PUIS NAGUERES A FAIT APPOSER
SIMON TAPEREAU CETTE CY
PRIEZ DIEU QUE REPOSER
PUISSENT LEURS AMES SANS NUL SOUCY
LE MOIS D'AOUT MDIIII.
En 1643, la famille Tapereau, qui détenait le fief de Brolles depuis
Saint Louis,
vendirent leur terres à Philippe Maniquet, seigneur des
Bergeries à Chartrettes.
La route des Ligueurs, qui part de Belle-Croix pour rejoindre le Carrefour de Paris, doit son nom à un épisode la Première guerre de Religion. Le vendredi 23 mars 1562, à la lueur de l'aube, de nombreux cavaliers quittent le château de Fontainebleau. Ils s'enfoncent dans la forêt, vers le nord, vers Paris. Ils suivent un chemin qui mène au hameau de Chailly, cette route longe l'épaisse et ancienne futaie du Gros Fouteau. La troupe escorte plusieurs lourds coches dont l'un de couleur noire portent sur ses portes un monogramme en lettre d'or, deux C entrelacés et surmontés d'une couronne. Dans cette voiture se trouve la reine de France, Catherine de Médicis et son fils le roi Charles IX, âgé de onze ans. Ils ont pour escorte de nombreux soldats et trois seigneurs à cheval : le duc François de Guise, le maréchal Jacques d’Albon de Saint-André et le connétable Anne de Montmorency, ce sont les Ligueurs dont cette route portera le nom.
Charles IX par François Clouet, 1560, Kunsthistorisches museum, Vienne.
Le triumvirat avait formé une alliance, une ligue, lors du sacre de l'enfant roi Charles IX, une année auparavant. Pour cette ligue, la liberté accordée à l'église réformée était un scandale, parce qu'elle affaiblissait la couronne de France. La reine mère en était venue à composer avec les protestants, elle avait alors trahi la religion catholique. La ligue avait solennellement averti Catherine de Médicis, le royaume devait à tout prix rester dans la vraie et véritable foi. Les Ligueurs décident donc de ramener de Fontainebleau à Paris, le jeune
roi et la reine mère afin de s'assurer de leurs personnes. Il n'est pas
possible de les surveiller étroitement à Fontainebleau, Paris est jugé
bien plus sûr. Catherine de Médicis pourrait envisager de fuir avec son fils
dans l'espoir de soulever le pays contre le clan des Guises et de la
Ligue.
Procession de la Ligue sur la place de Grève, vers 1590 (détail). Musée carnavalet.
Le 3 juillet 1664, le cardinal Flavio Chigi, gouverneur de Rome et neveu du pape Alexandre VII, arrive à Melun par la Seine et rejoint le château de Fontainebleau en passant par le carrefour de Belle-Croix. Le légat a entreprit le long voyage de Rome à Fontainebleau pour présenter les excuses du pape à Louis XIV. Une année auparavant, à Rome, une bagarre entre la garde corse du pape et des membres de l’ambassade de France, a dégénèré en bataille rangée. Des coups de feu ont été tirés contre l’ambassade, tuant et blessant plusieurs pages de l’ambassadeur. Louis XIV exige que le gouverneur de Rome vienne en personne lui présenter des excuses pour réparer cette insulte. Le cardinal patienta plus de trois semaines avant d'être reçu par le roi le 29 juillet. Une tapisserie des Gobelins, d’après un carton de Charles Le Brun, commémore ce moment d’abaissement du Saint-Siège devant la puissance du Roi-Soleil. Quelques jours après l'audience royale, le cardinal Chigi assiste avec toute la cour à la première représentation d'Othon, tragédie de Pierre Corneille.
Le cardinal Flavio Chigi par Jacob Ferdinand Voet.
Non loin du carrefour de Belle-Croix, au millieu du XVIIIe siècle, s’était établi un ermite qui n’était point un religieux. Il portait le nom de Lallemant et travaillait aux carrières de grès. Notre homme vivait dans la forêt avec sa femme et ses deux fils, l’un d’eux se fit soldat et l’autre se noya en traversant la Seine, leur mère s’éteignit à son tour laissant seul son mari. Lallemant mena un vie fort longue, vivant dans les bois jusqu’à sa mort survenue vers la fin de 1805, il avait alors 82 ans. Le carrier ermite était devenu une des curiosités de la forêt, il vivait dans une modeste grotte et possédait même des meubles ce qui surprenait beaucoup ses visiteurs. Le terrain autour de son habitation lui servait de potager, il nourrissait des poules et un chien. Les promeneurs qui le croisaient avaient beaucoup de peine à lui faire accepter un don, l’homme s’enfuyant dès qu’il apercevait une calèche. On le voyait seulement à l’église le dimanche. Sa manière de vivre attira sur lui l’attention de la police qui le surveilla quelques temps. Louis XVI fit preuve de tolérance et s’amusait de sa farouche indépendance, le souverain lui accorda le droit de vivre dans la forêt royale.
Belle Croix vers 1900.
Le peintre
Théodore Rousseau affectionnait tout particulièrement la platière située à l'ouest du carrefour de Belle-Croix et que l'on désigne sous le nom de
Plateau de Belle-Croix. Dans plusieurs lettres à son ami Afred Sensier, il mentionne cette endroit où il aime poser son chevalet :
« Ah ! le silence est d'or. Ainsi quand je suis à mon observatoire de Belle-Croix, je n'ose bouger, car le silence m'ouvre le cœur des découvertes. La famille des bois se met alors en action ; c'est le silence qui m'a permis, immobile que j'étais comme un tronc d'arbre, de voir le cerf à son gîte, et à sa toilette... Celui qui vit dans le silence devient le centre du monde ». À propos de son ami Rousseau, le peintre
Jean-François Millet écrit :
« La forêt, le silence, la solitude, Rousseau les aiment encore mieux que moi. Il y est comme le marin sur la mer. Au plateau de Belle-Croix, pendant des heures, immobile sur un rocher comme un capitaine sur sa dunette, il a l’air de faire son quart. Il ne peint pas, il contemple, il laisse ses chers arbres lui entrer lentement et profondément dans l’âme ».
Le Plateau de Belle Croix par Théodore Rousseau, 1849.
En 1873, sur la plateau de Belle-Croix, eut lieu un duel qui fit les gros titres de la presse de l'époque. Le prince Constantin Soutzo blessa mortellement d'un coup de pistolet Nicolas Ghika, âgé de 24 ans et qui était l'amant de sa femme. Le jeune homme, frêle et délicat, aurait pourtant dû prendre garde à la réaction du mari. Soutzo était un officier réputé pour sa sauvagerie et son habileté au pistolet, il fut comdamné à quatre ans de prison.
Le Plateau de Belle-croix où fut assassiné Nicolas Ghika.
Belle-Croix vue de la Route de Luxembourg.
Belle-Croix est située à l'intersection de la Route D142 et de la route forestière de Luxembourg. Cette dernière porte le nom de Luxembourg en hommage à François-Henri de Montmorency-Bouteville, duc de Piney-Luxembourg (1628-1695), plus connu sous le nom de maréchal de Luxembourg. Il fut surnommé le tapissier de Notre-Dame en raison du grand nombre de drapeaux ennemis pris par ses troupes sur les champs de bataille et qui décoraient la nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le maréchal de Luxembourg fut l’un des plus fameux chefs d’armée du XVIIIe siècle et le militaire le plus en vue de la partie centrale du règne de Louis XIV.
Le maréchal de Luxembourg Détruite en 1793, Belle-Croix fut réédifiée en 1827, mais sans
l'inscription de Tapereau. Abattue par une tempête en décembre 1911,
elle est rétablie en 1913 par les Amis de la Forêt de Fontainebleau.
À une centaine de mètre de Belle-Croix, le long d'un front de taille d'une carrière de grès, sur le
sentier Denecourt n°4, se trouve la Fontaine Maria. Cette fontaine fut creusée par Charles Colinet en 1891, elle est dénommée du prénom de sa femme : Maria Colinet (1851-1933). Elle fut la continuatrice de l'œuvre de Denecourt et de son mari après la mort de celui-ci en 1905. Elle assura l'entretien des sentiers et la publication des guides Denecourt-Colinet jusqu'en 1921. L'association du Touring Club de France prit le relais jusqu'en 1939. Depuis 1947, c'est l'Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau qui a en charge l'entretien et le balisage des sentiers de la forêt. Sur la paroi de grès de la fontaine, de petites vasques, en forme de nid d'oiseau, ont été aménagées pour recueillir l'eau suintante de la roche.
La Fontaine Maria.
La Fontaine Maria vers 1900.
Proche de la Fontaine Maria, se trouve la grotte aux Cristaux. Véritable curiosité naturelle, cette grotte fut découverte en 1771 par un carrier nommé Laroche. Le roi Louis XVI aurait fait le déplacement à Fontainebleau pour la voir. Mais ce n'est qu'en septembre 1850 qu'un ouvrier nommé Benoît révéla de nouveau la présence de cette voûte couverte de cristallisations de grès. Le lieu devint très vite populaire et les touristes affluaient pour la voir. Face à la recrudescence du vandalisme, l'administration combla la grotte. Elle fut rouverte et dégagée par Colinet en 1891 qui décida la pose de l'actuelle grille.
La Grotte aux Cristaux.
Autrefois, se trouvait près de la grotte aux Cristaux, une buvette du même nom. À l'emplacement de la buvette disparue, on trouve une roche de grès portant l'inscription gravée : « Germaine et Léon Édelé 1950. » Ce couple furent les derniers gérants de la buvette de la Roche aux Cristaux, Germaine est décédée en 1978 et Léon en 1982.
Germaine et Léon Édelé, derniers gérants de la buvette de la Grotte aux Cristaux.