« Mais il est à regretter, qu'outre mes signes indicateurs, qui profanent déjà bien assez nos sites, il y ait par ici, comme en bien d'autres endroits de la forêt, des roches horriblement barbouillées par l'imbécillité et par la malveillance. Ayant appris que ces saletés qui, par décence furent recouvertes de peintures, étaient le fait de prétendus artistes, j'ai nommé la partie du sentier qui en est souillée, le Sentier des Rapins. »
Denecourt, 8e édition (1853).
Cet ancien sentier, inventé par Claude-François Denecourt, est depuis 1973 inclus dans la Réserve biologique intégrale du Mont Chauvet. Le sentier des Rapins commençait autrefois à partir du Belvédère Lavoisier (lettre Z) sur l'ancien sentier des Artistes, pour rejoindre la Fontaine Sanguinède.
Dans les ateliers de peinture, on désignait autrefois par le nom de rapin, les élèves qui ne faisaient que copier d'après des dessins et qui dessinaient d'après le relief, c'est-à-dire d'après les statues moulées en plâtre. Le rapin est l'artiste au premier stade de son apprentissage, faisant ses gammes, avant d'être admis à peindre d'après nature. Le rapin était une espèce de vassal, soumis aux volontés et aux caprices de son maître, plus âgé que lui et ayant déjà eu l'honneur de se servir de la palette. Il arrivait que le rapin soit battu, quand il était récalcitrant ou s'acquitait mal des couses dont son tyran l'avait chargé. C'était le souffre-douleur de l'atelier, on s'amusait à le mystifier, l'objet des farces les plus idiotes.
De par sa fonction d'apprenti ou d'assistant, le rapin rappelle les valets de comédie. Parfois, tel un Sganarelle vif et futé, il est le complice de son maître pour tramer des machinations, pour enbobiner le client bourgeois. Entre rapins règne la camaraderie qui peut aller jusqu'à prendre la forme d'une société secrète. Beaucoup de jeunes peintres qui encombraient les ateliers étaient en fait davantage attirés par la vie d'artiste que par l'art, c'est le cas du personnage d'Anatole Bazoche dans le Manette Salomon des frêres Goncourt, dont une partie de l'histoire se passe à Barbizon.
« Le rapin est un homme, bâti comme il a plus à la nature, petit ou grand, droit ou tordu, beau ou laid, bête ou spirituel, orné d'une chevelure buissonneuse, revêtu d'un chapeau extraordinaire et d'une vareuse, une pipe suante entre les dents, l'air passablement canaille, qui s'intitule artiste ... et qui se prend au sérieux ! Quelquefois c'est un pauvre diable qui n'a ni sou ni maille, et qui va son chemin, en dorant sa misère des reflets de l'avenir ; Plus souvent c'est un bohème à l'existence fantastique et aux épopées déguenillées. N. B. - Pour exercer cette profession, il n'est besoin d'esprit ni de talent : - une boîte couleurs suufit. »
Étienne Delécluze, 1855.
« J’avais alors vingt-cinq ans et je faisais le rapin le long des côtes normandes. J’appelle "faire le rapin", ce vagabondage sac au dos, d’auberge en auberge, sous prétexte d’études et de paysages sur nature ».
Miss Harriet, Guy de Maupassant, 1884.
Belvédère de Lavoisier (Z).
Ancien sentier du Grand Mont Chauvet. Antoine Laurent de Lavoisier, (1743-1794) est un chimiste, philosophe et économiste. Il est considéré comme le père de la chimie moderne. Lavoisier est guillotiné place de la Révolution le 19 floréal an II (8 mai 1794), à l’âge de cinquante ans, en même temps que 27 anciens fermiers généraux.
Antre de Raoul (A).
Passage imposant entre d’énorme rochers. Raoul est un personnage de l’opéra Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, création en 1836 à l’Opéra de Paris. C’est aussi un peintre méconnu de l’école de Barbizon.
Sur le Sentier
Rocher et antre Chenavard.
Mentionné dans la 16e édition du guide Denecourt, 1856.
Renommé La Roche du Passant (B) par Charles Colinet pour éviter de faire doublon avec la Grotte Chenavard sur le sentier du Rocher d'Avon.
Paul Chenavard (1808-1895) est un artiste peintre, il étudie avec Ingres et Delacroix. Influencé par les idées philosophiques d’Hegel et de Pierre-Simon Ballanche, il considère que le but de l'art doit être humanitaire et civilisateur. Cela lui vaudra les foudres de Balzac et de Baudelaire opposés à « l'art philosophique ». Incompris et rejeté par ses contemporains, il dira de lui : « Je me considérais déjà au milieu de mes cartons comme un philosophe ou plutôt comme un prêtre fondant une nouvelle religion. L'art n'est autre chose pour moi que l'instrument, le moyen qui me sert à rendre aux yeux du peuple toutes les traditions sensibles et équivalentes, à ériger enfin la raison en dogme et l'homme en divinité. Toute religion n'est autre chose, à mon sens, que la plastique des idées ».
Menhir de la Solle.
Anaïs de Larminat, fille aînée du baron de Larminat, conservateur de la forêt de Fontainebleau de 1815 à 1830. Voir le Rocher des Deux Sœurs sur le sentier des Artistes.
Dans les ateliers de peinture, on désignait autrefois par le nom de rapin, les élèves qui ne faisaient que copier d'après des dessins et qui dessinaient d'après le relief, c'est-à-dire d'après les statues moulées en plâtre. Le rapin est l'artiste au premier stade de son apprentissage, faisant ses gammes, avant d'être admis à peindre d'après nature. Le rapin était une espèce de vassal, soumis aux volontés et aux caprices de son maître, plus âgé que lui et ayant déjà eu l'honneur de se servir de la palette. Il arrivait que le rapin soit battu, quand il était récalcitrant ou s'acquitait mal des couses dont son tyran l'avait chargé. C'était le souffre-douleur de l'atelier, on s'amusait à le mystifier, l'objet des farces les plus idiotes.
« Une maison à Paris, 5e étage, Le Rapin ».
Photographie de Furne fils & H. Tournier, 1860.
Photographie de Furne fils & H. Tournier, 1860.
De par sa fonction d'apprenti ou d'assistant, le rapin rappelle les valets de comédie. Parfois, tel un Sganarelle vif et futé, il est le complice de son maître pour tramer des machinations, pour enbobiner le client bourgeois. Entre rapins règne la camaraderie qui peut aller jusqu'à prendre la forme d'une société secrète. Beaucoup de jeunes peintres qui encombraient les ateliers étaient en fait davantage attirés par la vie d'artiste que par l'art, c'est le cas du personnage d'Anatole Bazoche dans le Manette Salomon des frêres Goncourt, dont une partie de l'histoire se passe à Barbizon.
Le rapin par Honoré Daumier, 1836.
Étienne Delécluze, 1855.
« J’avais alors vingt-cinq ans et je faisais le rapin le long des côtes normandes. J’appelle "faire le rapin", ce vagabondage sac au dos, d’auberge en auberge, sous prétexte d’études et de paysages sur nature ».
Miss Harriet, Guy de Maupassant, 1884.
Belvédère de Lavoisier (Z).
Ancien sentier du Grand Mont Chauvet. Antoine Laurent de Lavoisier, (1743-1794) est un chimiste, philosophe et économiste. Il est considéré comme le père de la chimie moderne. Lavoisier est guillotiné place de la Révolution le 19 floréal an II (8 mai 1794), à l’âge de cinquante ans, en même temps que 27 anciens fermiers généraux.
Passage imposant entre d’énorme rochers. Raoul est un personnage de l’opéra Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, création en 1836 à l’Opéra de Paris. C’est aussi un peintre méconnu de l’école de Barbizon.
Le ténor Duncan Dawson en Raoul de Nangis, Les Huguenots, 1897.
Sur le Sentier
Rocher et antre Chenavard.
Mentionné dans la 16e édition du guide Denecourt, 1856.
Renommé La Roche du Passant (B) par Charles Colinet pour éviter de faire doublon avec la Grotte Chenavard sur le sentier du Rocher d'Avon.
Paul Chenavard (1808-1895) est un artiste peintre, il étudie avec Ingres et Delacroix. Influencé par les idées philosophiques d’Hegel et de Pierre-Simon Ballanche, il considère que le but de l'art doit être humanitaire et civilisateur. Cela lui vaudra les foudres de Balzac et de Baudelaire opposés à « l'art philosophique ». Incompris et rejeté par ses contemporains, il dira de lui : « Je me considérais déjà au milieu de mes cartons comme un philosophe ou plutôt comme un prêtre fondant une nouvelle religion. L'art n'est autre chose pour moi que l'instrument, le moyen qui me sert à rendre aux yeux du peuple toutes les traditions sensibles et équivalentes, à ériger enfin la raison en dogme et l'homme en divinité. Toute religion n'est autre chose, à mon sens, que la plastique des idées ».
Paul Chenavard par Nadar.
Dans la 16e édition de son guide, Denecourt écrit : « Dolmin de la Solle, sorte de pierre druidique. » Charles Colinet renomma cette roche singulière le Menhir de la Solle.
Antre d’Ésope (C).
Nommé ainsi par Charles Colinet. Le sentier se sépare en deux, à droite vers le sentier de la Solle et le Rocher de la Thérésa, à gauche la suite du sentier des Rapins. Denecourt nomme sentier de Biéville, le sentier qui se dirige vers le Rocher Saint-Germain à travers la Vallée de la Solle. Charles des Noyers de Biéville (1814-1880), frêre de Fernand Desnoyer, est un journaliste, auteur dramatique, il débuta dans le Vaudeville sous le nom de Biéville, qui est le nom de sa mère.
Ésope est un écrivain grec d'origine phrygienne (centre de l'actuelle Turquie), qui vécu vers la fin du VIIe siècle av. J.-C. et à qui on a attribué la paternité des fables du même nom. Les fables d'Ésope ont inspiré de nombreux auteurs qui ont perfectionné le genre durant plus de deux millénaires. Jean de la Fontaine, qui a écrit une biographie imaginaire d'Ésope, est peut-être le plus célèbre de ses disciples.
Nommé ainsi par Charles Colinet. Le sentier se sépare en deux, à droite vers le sentier de la Solle et le Rocher de la Thérésa, à gauche la suite du sentier des Rapins. Denecourt nomme sentier de Biéville, le sentier qui se dirige vers le Rocher Saint-Germain à travers la Vallée de la Solle. Charles des Noyers de Biéville (1814-1880), frêre de Fernand Desnoyer, est un journaliste, auteur dramatique, il débuta dans le Vaudeville sous le nom de Biéville, qui est le nom de sa mère.
Ésope est un écrivain grec d'origine phrygienne (centre de l'actuelle Turquie), qui vécu vers la fin du VIIe siècle av. J.-C. et à qui on a attribué la paternité des fables du même nom. Les fables d'Ésope ont inspiré de nombreux auteurs qui ont perfectionné le genre durant plus de deux millénaires. Jean de la Fontaine, qui a écrit une biographie imaginaire d'Ésope, est peut-être le plus célèbre de ses disciples.
La Vie et les fables d'Ésope phrygien.
Traduites & moralisées par Jean-Baptiste Besongne, 1701.
Route Anaïs.
Anaïs de Larminat, fille aînée du baron de Larminat, conservateur de la forêt de Fontainebleau de 1815 à 1830. Voir le Rocher des Deux Sœurs sur le sentier des Artistes.
Sur le Sentier
Sur le Sentier
Nous n'avons pu, à ce jour, retrouver une roche nommé La Chaise curule. Roche singulièrement troué d’après Denecourt qui lui donne la lettre B, non mentionnée par Colinet. Le siège curule (en latin sella curulis, de currus, chariot) est un symbole du pouvoir de la Rome antique. Puis Denecourt mentionne le Pont de la Solle (16e édition), un hêtre renversé sur le sentier et qui a reprit racine, arbre aujourd’hui disparu. En suivant le sentier se trouvait autrefois un hêtre remarquable nommé par Denecourt Le Van der Meulen, arbre aujourd’hui disparu.
Roches d’Erckmann-Chatrian (6).
Nommé ainsi par Colinet, non mentionnées par Denecourt. Erckmann-Chatrian est le pseudonyme collectif utilisé de 1847 à 1887 par deux écrivains français : Émile Erckmann (1822-1899) et Alexandre Chatrian (1826-1890). Ils ont également écrit sous leurs patronymes respectifs.
Émile Erckmann et Alexandre Chatrian par Pierre Petit, 1875.
La suite du sentier mentionne le Rocher Matignon et grotte Deltil, (n°5 pour Colinet et lettre E pour Denecourt), non retrouvés. « Ce site, l'un des plus jolis de la promenade, a été rendu accessible par le généreux concours des personnes dont il porte le nom. » 16e édition, 1856. Matignon, ancien greffier du tribunal de Fontainebleau, donateur de 30 francs à la souscription Denecourt, idem pour Deltil, désigné comme artiste et donateur de 2 francs. Puis Colinet mentionne le Repos d’Éléonore, portant le n°4, non mentionné par Denecourt : « Rustique enceinte coquettement ombargée ».
Station de Fernand Desnoyers.
(N°3 pour Colinet et lettre F pour Denecourt)
« Voici la lettre F qui signale la station de Fernand Desnoyers, endroit assez bien encaissé, assez bien ombragé, et situé à notre gauche, tout au bord du sentier. En quittant cette délicieuse oasis qui me rapelle un véritable ami, remarquons à notre droite un hêtre dont la base se prolonge singulièrement sur un grès ; ensuite le site apparait de mieux en mieux, en offrant à nos regards charmés une suite non interrompue d’accidents et de tableaux toujours plus curieux, toujours plus ravissants, et dont la description demanderait non-seulement une tout autre plume que la mienne, mais un volume entier ... » 16e édition, 1856.
Fernand Desnoyers est un écrivain, poète, journaliste, chansonnier et célèbre buveur. Né à Paris en 1826, il est le fils de Charles Desnoyers et d’une mère issue de la petite noblesse, Anne de Bièville. Il a deux frères, Gustave et Charles, ce dernier, de quatorze ans son aîné, fera une belle carrière comme critique et auteur de vaudeville.
Fernand Desnoyers commence sa carrière de poète au début du second Empire, il mène une vie de bohème fréquentant les brasseries où se retrouvent les opposants à l’Empire. Avec ses amis, les chansonniers Gustave Mathieu et Pierre Dupont, les poètes Charles Monselet et Charles Baudelaire, ils chantent les vertus de la boisson jusqu’à l’excès. Desnoyers rendit de nombreux hommage à l'alcool et surtout au vin comme dans son recueil de poésie intitulé « Le vin, vers fantasques » publié à la fin de sa courte vie. C’est dans ce même ouvrage que l’on trouve un long poème sur la forêt de Fontainebleau.
Cette joyeuse bande fréquente un café, situé non loin du chantier de l’Opéra Garnier, connu sous le nom de chez Dinocheau et surnommé « le restaurateur des lettres ». Un repas y coûte deux francs, somme conséquente mais le vin y est à volonté ! Desnoyers est un habitué. Avec sa fidèle compagne Adrienne, dite Noisette, il passe des nuits entières à déclamer des vers tout en s’emportant contre ces intellectuels bourgeois qui ne comprennent rien à la nouvelle poèsie.
Dans son livre intitulé « Confidences d'un journaliste », publié en 1876, Maxime Rude dresse l'emploi du temps de notre bohèmien : « Pour Fernand Desnoyers, la vie ne commençait qu'à cinq heures du soir. Entre cinq et six on le voyait paraître, avec sa tête de ligueur à barbe rouge, sur tous les points où sa soif pouvait donner et où s'estompait quelques éspérances d'invitation pour le dîner et la soirée. Je n'ai jamais vu payer à Fernand que ses cigares. A dix heures, plus haut en couleur et plus monté de ton, — du boulevard Pigalle au boulevard Montmartre, il faisait des entrées partout où le gaz flambait, où la bière moussait. A minuit, il était aux Variétés, — à une heure, il tenait conseil avec quelques amphytrion en belle humeur sur le trottoir, — à une heure et demie, l'œil gris étincelant, son maigre visage enflammé aux pomettes, — le nez crochu plus fier et plus insolent, il montrait sa tête chauve au grand salon de Vachette; à quatre heures, il traversait les Halles allant chez quelque étrange marchand de soupe aux choux; à six heures, enfin, il remontait le quartier des Martyrs et gagnait son lit. »
Desnoyers fréquente assidûment la brasserie Andler, considérée comme le « temple du réalisme ». Là se réunissent les admirateurs de Gustave Courbet avec qui Desnoyers se lie d’amitié et devient un de ses plus constant défenseur. Courbet est alors considéré comme le maître de la peinture indépendante, de cette nouvelle mouvance que Desnoyers définit comme une « singulière école, où il n’y a ni maître ni élève, et dont les seuls principes sont l’indépendance, la sincérité, l’individualisme ! ». Á l’occasion du Salon des refusés de 1863, il déclare Courbet comme chef de fil des réalistes car il est « le plus Refusé des Refusés ». Pour défendre le réalisme, Desnoyers écrit : « Soyons un peu nous, fussions-nous laids. N’écrivons ni ne peignons que ce qui est, ou du moins ce que nous voyons, ce que nous savons, ce que nous avons vécu. N’ayons ni maître ni élève (...) Toute figure belle ou laide peut remplir le but de l’art. »
En mai 1853, Desnoyers profite d'un beau jour de printemps pour aller respirer l'air de la forêt à Fontainebleau, il rencontre alors Claude-François Denecourt et c'est le coup de foudre. Le jeune poète souhaite faire quelque chose pour honorer ce nouveau genre de poésie qu’est la création des sentiers bleus et pour cela il a une idée, il va faire un livre ; mais pas n’importe quel livre, un livre chorale, ouvrage collectif qui réunirait tout un ensemble d’auteur. De retour à Paris, Desnoyers lance un appel dans le journal d'Alexandre Dumas, Le Mousquetaire, que le célèbre écrivain, alors en exil à Bruxelles, vient de lancer. Pour essayer de convaincre des auteurs reconnus, il leurs écrit une lettre en joignant un exemplaire du guide de Denecourt. Un an plus tard, il a obtenu 42 contributions qui sont réunis dans un livre de 368 pages publié au printemps 1855 par Louis Hachette et intitulé : « Hommage à C.F. Denecourt, Fontainebleau, Paysages - Légendes - Souvenirs - Fantaisies. »
Fernand Desnoyers, dessin de Nadar.
Fernand Desnoyers commence sa carrière de poète au début du second Empire, il mène une vie de bohème fréquentant les brasseries où se retrouvent les opposants à l’Empire. Avec ses amis, les chansonniers Gustave Mathieu et Pierre Dupont, les poètes Charles Monselet et Charles Baudelaire, ils chantent les vertus de la boisson jusqu’à l’excès. Desnoyers rendit de nombreux hommage à l'alcool et surtout au vin comme dans son recueil de poésie intitulé « Le vin, vers fantasques » publié à la fin de sa courte vie. C’est dans ce même ouvrage que l’on trouve un long poème sur la forêt de Fontainebleau.
Gustave Mathieu par Étienne Carjat à gauche et Pierre Dupont par Nadar à droite.
Cette joyeuse bande fréquente un café, situé non loin du chantier de l’Opéra Garnier, connu sous le nom de chez Dinocheau et surnommé « le restaurateur des lettres ». Un repas y coûte deux francs, somme conséquente mais le vin y est à volonté ! Desnoyers est un habitué. Avec sa fidèle compagne Adrienne, dite Noisette, il passe des nuits entières à déclamer des vers tout en s’emportant contre ces intellectuels bourgeois qui ne comprennent rien à la nouvelle poèsie.
Dans son livre intitulé « Confidences d'un journaliste », publié en 1876, Maxime Rude dresse l'emploi du temps de notre bohèmien : « Pour Fernand Desnoyers, la vie ne commençait qu'à cinq heures du soir. Entre cinq et six on le voyait paraître, avec sa tête de ligueur à barbe rouge, sur tous les points où sa soif pouvait donner et où s'estompait quelques éspérances d'invitation pour le dîner et la soirée. Je n'ai jamais vu payer à Fernand que ses cigares. A dix heures, plus haut en couleur et plus monté de ton, — du boulevard Pigalle au boulevard Montmartre, il faisait des entrées partout où le gaz flambait, où la bière moussait. A minuit, il était aux Variétés, — à une heure, il tenait conseil avec quelques amphytrion en belle humeur sur le trottoir, — à une heure et demie, l'œil gris étincelant, son maigre visage enflammé aux pomettes, — le nez crochu plus fier et plus insolent, il montrait sa tête chauve au grand salon de Vachette; à quatre heures, il traversait les Halles allant chez quelque étrange marchand de soupe aux choux; à six heures, enfin, il remontait le quartier des Martyrs et gagnait son lit. »
La brasserie Andler par Gustave Courbet.
Desnoyers fréquente assidûment la brasserie Andler, considérée comme le « temple du réalisme ». Là se réunissent les admirateurs de Gustave Courbet avec qui Desnoyers se lie d’amitié et devient un de ses plus constant défenseur. Courbet est alors considéré comme le maître de la peinture indépendante, de cette nouvelle mouvance que Desnoyers définit comme une « singulière école, où il n’y a ni maître ni élève, et dont les seuls principes sont l’indépendance, la sincérité, l’individualisme ! ». Á l’occasion du Salon des refusés de 1863, il déclare Courbet comme chef de fil des réalistes car il est « le plus Refusé des Refusés ». Pour défendre le réalisme, Desnoyers écrit : « Soyons un peu nous, fussions-nous laids. N’écrivons ni ne peignons que ce qui est, ou du moins ce que nous voyons, ce que nous savons, ce que nous avons vécu. N’ayons ni maître ni élève (...) Toute figure belle ou laide peut remplir le but de l’art. »
Gustave Courbet par Nadar.
En mai 1853, Desnoyers profite d'un beau jour de printemps pour aller respirer l'air de la forêt à Fontainebleau, il rencontre alors Claude-François Denecourt et c'est le coup de foudre. Le jeune poète souhaite faire quelque chose pour honorer ce nouveau genre de poésie qu’est la création des sentiers bleus et pour cela il a une idée, il va faire un livre ; mais pas n’importe quel livre, un livre chorale, ouvrage collectif qui réunirait tout un ensemble d’auteur. De retour à Paris, Desnoyers lance un appel dans le journal d'Alexandre Dumas, Le Mousquetaire, que le célèbre écrivain, alors en exil à Bruxelles, vient de lancer. Pour essayer de convaincre des auteurs reconnus, il leurs écrit une lettre en joignant un exemplaire du guide de Denecourt. Un an plus tard, il a obtenu 42 contributions qui sont réunis dans un livre de 368 pages publié au printemps 1855 par Louis Hachette et intitulé : « Hommage à C.F. Denecourt, Fontainebleau, Paysages - Légendes - Souvenirs - Fantaisies. »
Couverture de L'Hommage à C.F. Denecourt, publié en 1855.
Dans son livre, publié en 1874 et intitulé : « Les Derniers Bohèmes, Henri Murger et son temps », Firmin Maillard écrit : « Retenez mon nom, disait Fernand, et il avait raison, c’est celui d’un poète, d’un vrai poète ; cette personnalité cassante et vaniteuse qu’il promenait bruyamment au milieu de nous, était bien à lui ; elle n’était point faite de bric et de broc et lui appartenait telle quelle, toute entière ; il faut l’en féliciter et lui en tenir compte. Comme ses confrères, Desnoyers disait volontiers ses vers (quand on le priait un peu), mais il choisissait son endroit, son heure et son public, un public peu nombreux, bien qu’assez mêlé et dans lequel le lettré et la fille dominaient… mais avant tout un public de sensations et que Desnoyers n’eût pas changé avec raison contre toute la clientelle du Petit Journal. Il est bien peu de cabarets à la mode dont les murs n’aient entendu, vers les trois heures du matin : les Assassins du Vin, le Mariage dans les blés, ou Madame fontaine... Quant au grand public, au public composé de tout le monde, Desnoyers le haïssait, le méprisait, il n’avait jamais assez d’invectives pour le conspuer :
Bête à têtes de veau, de lapin et d’aspic,
Nombre lâche, gros tas, qu’on appelle Public
D’îlotes, de bourgeois, pions et journalistes,
Ecoute-moi ! — Depuis le temps que tu m’attristes,
J’ai bien acquis le droit de poète indigné
De te jeter un peu de mes vers par le nez.
Mais on ne vieillit pas à faire des vers comme ceux-là, et surtout à les réciter régulièrement de trois à quatre heures du matin à quelques fous... — Fernand Desnoyers mourut jeune. C’est le dimanche, 7 novembre 1869, que nous enterrâmes, au cimetière Montparnasse, Fernand Desnoyers ».
Le poète est mort de la tuberculose, le 5 novembre 1869, à son domicile du Boulevard de Grenelle, il avait 43 ans.
Croisement Route Amélie & dauphin de la Solle.
Après avoir traversé la Route Amélie, se trouvait un arbre remarquable aujourd'hui disparu, Le Charles Vincent, « genévrier de forme pyramidale, le plus haut et le plus beau de la forêt », nommé ainsi en hommage au chansonnier, goguettier, auteur et éditeur né à Fontainebleau (1828-1888), un chêne porte son nom au Gros-Fouteau.
Après avoir traversé la Route Amélie, se trouvait un arbre remarquable aujourd'hui disparu, Le Charles Vincent, « genévrier de forme pyramidale, le plus haut et le plus beau de la forêt », nommé ainsi en hommage au chansonnier, goguettier, auteur et éditeur né à Fontainebleau (1828-1888), un chêne porte son nom au Gros-Fouteau.
Sur le Sentier
Denecourt écrit en 1856 : « Continuons à gravir en passant près d’un antre dont les masses de grès superposées forment une sorte de pont. »
N°1 pour Colinet et lettre H pour Denecourt. « A quelques pas au delà, la lettre H indique une roche très remarquable par son volume et surtout par les cavités à jour qu’elle présente ; c’est la roche Églantine, véritable merveille de fée. » Églantine Demay était une danseuse de Cancan ayant acquis une certaine renommée. Élève de Nini Patte-en-l'air, du Moulin-Rouge, Églantine avait recruté une troupe de danseuses qui parcourait le monde. La Troupe de Mademoiselle Églantine est représentée sur une affiche d'Henri de Toulouse-Lautrec de 1895, commandée pour annoncer leur passage au Palace Theatre à Londres. Églantine était propriétaire d'un château, près de Marquise dans le Pas-de-Calais et d'une villa, Les Soupirs, qui donnait sur le Lac Léman. Elle résidait également rue d'Orléans, à Trouville. Morphinomane, Églantine se suicide à Saint-Moritz, le 9 ou 10 août 1895 et est inhumée à Paris. Églantine avait comme sœurs les comédiennes Alphonsine et Rose Demay.
Affiche d'Henri de Toulouse-Lautrec pour le Palace Theatre de Londres, 1895.
Sur le Sentier
Fontaine Sanguinède.
Fin du sentier des Rapins, voir notre article spécifique à la Fontaine Sanguinède et la suite du sentier vers la Vallée de la Solle.