Georges Rapin voulait être acteur, avec sa belle gueule et son bagout, il y croyait ferme. Ce 4 juin 1959, il est enfin célèbre, sortant du palais de justice de Fontainebleau, devant une foule de journalistes, il lance, pas peu fier : « Merci, messieurs pour être aussi nombreux. Je dois être quelqu'un. Vous avez raison de prendre aujourd'hui vos clichés : c’est le plus beau jour de ma vie ». Arrêté le matin même par le commissaire Jean-Marie Chaumeil, il est accusé de deux meurtres.
Depuis toujours, Rapin rêve de devenir un voyou, il aime se faire appeler Monsieur Bill et parade dans des costumes à rayures en jouant les durs. Né en 1936, c'est le fils unique d'une famille bourgeoise. Ses parents ne lui refusent rien et lui offre un premier bar à Paris, le Bill's Bars, puis un second, le Porto. Rapin fréquente Pigalle, essayant de se faire admettre par le milieu qui ne veut pas de lui. En même temps, il suit des cours d’art dramatique et envoie sa photo aux sociétés de productions cinématographiques.
Sa mégalomanie tourne bientôt à la démence. Pour prouver aux mafieux de Pigalle qu’il est un vrai gangster, il décide de devenir proxénète en possédant sa prostituée qu'il achète à un voyou nommé Stello. La jeune femme en question se nomme Muguette Thirel dite Domino, elle à 23 ans et son nouveau mac ne l'impressionne guère. L'apprenti voyou veut se faire respecter, alors il emmène Domino faire une balade en forêt de Fontainebleau. Au lieu dit la Vente des Charmes, il lui tire dessus à cinq reprises, puis il asperge son corps d’essence et craque une allumette, il est deux heures du matin, samedi 30 mai 1959.
Muguette Thirel dite Domino, victime de Georges Rapin
et la reconstitution de son assassinat en forêt de Fontainebleau.
Dénoncé à la police par Stello trop content de se débarrasser de cet étrange larron, Rapin avoue un autre meurtre. En avril 1958, il reconnaît avoir abattu un pompiste de Villejuif, Roger Adam, sous prétexte que ce dernier lui avait manqué de respect en le traitant de petit con. Pendant son incarcération, il s'accuse de onze crimes imaginaires, puis lors du procès il se rétracte. Il est défendu par une star du barreau, l'avocat René Floriot, que la mère de Rapin a engagé dans l'espoir de sauver la tête de son fils, c'est peine perdue.
Le 31 mars 1960, Georges Rapin est condamné à mort après trente minutes de délibération, les jurés n'ont pas hésité longtemps. Rapin refuse de se pourvoir en cassation, la presse parle de « suicide par la guillotine », sa grâce est refusée par le général de Gaulle, président de la République. Le 26 juillet 1960, à 4h15 du matin, Georges Rapin est exécuté à la prison de la Santé par le bourreau André Obrecht qui plus tard écrira dans ses mémoires : « M. Bill a mis en scène lui-même son suicide légal. Il a coupé le col de son veston et de sa chemise. Et, à notre arrivée, il riait. Il riait mais devait être déçu de n'avoir personne pour l'interviewer et immortaliser son cabotinage. »