Route et mare des Ligueurs

Le vendredi 23 mars 1562, à la lueur de l'aube, de nombreux cavaliers quittent le château de Fontainebleau. Ils s'enfoncent dans la forêt, vers le nord, vers Paris. Ils suivent un chemin qui mène au hameau de Chailly, cette route longe l'épaisse et ancienne futaie du gros Fouteau. La troupe escorte plusieurs lourds carosses dont l'un de couleur noire qui porte sur ses flancs un monogramme en lettre d'or : deux C entrelacés et surmontés d'une couronne. Dans cette voiture se trouve la reine de France, Catherine de Médicis et son fils le roi Charles IX, âgé de onze ans. Ils ont pour escorte de nombreux soldats et trois seigneurs à cheval : le duc François de Guise, le maréchal Jacques d’Albon de Saint-André et le connétable Anne de Montmorency. 

 Charles IX par François Clouet, 1560, Kunsthistorisches museum, Vienne.
Catherine de Médicis par François Clouet, vers 1561, Musée Carnavalet.

Ce triumvirat avait formé une alliance, une ligue, lors du sacre de l'enfant roi, une année auparavant. Pour cette ligue, la liberté accordée à l'église réformée était un scandale, parce qu'elle affaiblissait la couronne de France. La reine mère en était venue à composer avec les protestants, un parti de l'intérieur, elle avait alors trahi la religion catholique. La ligue avait solennellement averti la reine et l'enfant Charles IX, le royaume devait à tout prix rester dans la vraie et véritable foi.

François de Guise par François Clouet.

 À gauche, Jacques d'Albon vers 1562, anonyme, musée du château de Versailles. 
À droite, Anne de Montmorency par Jean Clouet, Musée Condé à Chantilly.

Quelques mois plus tôt, le dimanche 1er mars 1562, François de Lorraine, duc de Guise, se rend à Paris, avec sa femme et son frère le cardinal. Le duc passe sur ses terres de Vassy, en Champagne, et décide d'assister à la messe. Une fois dans l'église, les Guise entendent des chants dans une grange voisine, ce sont des réformés qui chantent et célèbrent la Sainte Cène. C'est une cérémonie illégale depuis l'édit de janvier qui interdit tout culte protestant à l'intérieur des remparts d'une ville. Pour le duc c'est une véritable provocation, ces gens sont dit-il « scandaleux, arrogants et fort téméraires ». Le duc et ses hommes marchent vers la grange, les huguenots s'y retranchent et jettent des pierres, Guise est touché, son escorte enfonce la porte et rossent les fidèles, ceux qui essayent de s'échapper sont « arquebusés comme des pigeons », il y a 23 morts et une centaine de blessés.

 Massacre de Vassy, gravure de Tortorel et Périssin.

Guise reprend son chemin vers Paris ou la nouvelle de l'assaut de la grange de Vassy est déjà parvenue. La ville est en liesse, le maréchal Jacques d’Albon de Saint-André et le connétable Anne de Montmorency le reçoive avec les honneurs, le duc est accueilli en vainqueur comme s'il avait remporté une grande victoire. Des nobles viennent par centaine lui offrir leur épée, on mobilise, on masse de l'or en vue de la guerre qui va venir. La nouvelle du massacre de Vassy suscite une immense émotion chez les protestants, eux aussi décident de lancer un appel aux armes et de se préparer à l'affrontement.


Louis de Bourbon, prince de Condé, chef des protestants, fait publier un manifeste où il affirme sa volonté de délivrer la reine et le jeune roi qui sont pour lui prisonniers des Guise. Il s'empare de plusieurs villes et provinces du royaume, les protestants massacrent des catholiques un peu partout, les représailles s'enchaînent avec la même sauvagerie. À Sens, les catholiques détruisent le temple, des huguenots sont tués en grand nombre et jetés dans la rivière, on trouve des cadavres charriés par l'Yonne puis par la Seine jusque sur les piles des ponts de Samois et de Melun et même de Paris, la première guerre de Religion a commencé.

Dans son Dictionnaire historique et artistique de la forêt de Fontainebleau, publié en 1903, l'historien Félix Herbet ne croit pas que les conjurés de 1562 soient passés par cette route. D'après Herbet, ils auraient emprunté le chemin de Melun en passant par Belle-Croix. La route des Ligueurs n'apparaît pas sous ce nom sur les anciennes cartes de la forêt. Elle se nommait route à Dimps, du nom d'un marchand de bois qui l'avait réparée. Ce serait le régisseur du Palais Étienne Jamin (1795-1871) qui aurait proposé le nom de route des Ligueurs lorsque l'administration forestière décida de baptiser l'ensemble les chemins de la forêt en 1835.

Mare aux Ligueurs























Route des Ligueurs