Le peintre Alexandre-Gabriel Decamps aimait beaucoup la forêt de Fontainebleau qu’il parcourait souvent à cheval. Le 22 août 1860, il suivait la route des Monts Saints-Pères qui contourne le plateau de Belle-Croix, lorsque sa monture s’emporta et le jeta contre un arbre où il se fracassa la tête. Rapporté à son domicile de la rue Saint-Merry, il succomba le soir même. Un rocher de grès gravé marque l'endroit de la chute mortelle.
Né à Paris, le 3 mars 1803, au sein d'une famille bourgeoise, son père l'envoie dès son jeune âge vivre à la campagne, en Picardie, afin de faire « l'apprentissage de la vie rustique ». Le jeune Decamps exaspéré par l'étude de « l'inexorable latin » préfère le « barbouillage ». À la mort de son père en 1816, il retourne à Paris et entre dans l'atelier d'un peintre de scènes d'architecture, Étienne Bouhot. Il poursuit sa formation chez un académicien de renom, Abel de Pujol. Livré à lui-même, « sans direction ni théorie », il quitte déçu l'atelier du maître et s’engage dans une carrière d’artiste indépendant. Loin de l'académisme, il trouve son inspiration dans les faubourgs de Paris, au contact des milieux populaires. Decamps copie les maîtres hollandais au Louvre, vouant une admiration particulière pour Rembrandt, « le plus extraordinaire des peintres ». Il dessine une série de lithographies satiriques et des scènes anecdotiques publiées dans Le Figaro, L'Artiste, et surtout La Caricature, ces dessins se vendent bien chez certains amateurs.
Alexandre-Gabriel Decamp, 1836.
En 1824, il voyage en Suisse et dans le midi de la France. Il fait sa première apparition au Salon de 1827 et l'année suivante, il se rend en Grèce en compagnie du peintre Louis Garneray. Il poursuit son périple qui le conduit à Constantinople et au Moyen-Orient. De retour à Paris, ses carnets remplis de dessins, Decamps lance la mode de l'orientalisme qui marquera l'art français. Au Salon de 1831, il expose avec succès sept toiles, dont Cadji Bey ou la Patrouille turque, dans laquelle il peint le chef de la police de Smyrne et ses gardes parcourant au pas de charge les rues de la ville. En 1832, prend naissance la Société des 45 à la suite d'un bal masqué au théâtre des Variétés où Decamps et quelques amis portent sur l'épaule ce nombre, choisi au hasard, afin de servir de signe de reconnaissance au milieu de la foule. La Société des 45 a son blason, sa devise, son mot de passe, inventés par Decamps. Depuis lors, le peintre place ce nombre dans de nombreuses toiles, toujours dans un endroit bien apparent. Au Salon de 1834 et 1835, il assoit définitivement sa réputation « d'inventeur de l'Orient ». En 1835, il voyage en Italie, le « pays des merveilles », où il étudie l'oeuvre de Raphaël et de Titien. À son retour, il entreprend une série de tableaux bibliques dont l'action est campée dans des paysages du Proche-Orient.
« La caravane », vers 1854. Musée du Louvre, Paris.
« La patrouille turc », 1831. Wallace Collection, Londres.
Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1839, Decamps est un des artistes les plus estimés de son époque. Vers 1853, sa santé se dégrade, il souffre de dépression et son travail s'en ressent. En proie au découragement, il vend son atelier parisien du faubourg Saint-Denis et se retire dans le Lot-et-Garonne. Lors de l'Exposition universelle de 1855, il présente une large rétrospective de son œuvre comprenant une cinquantaine de tableaux, il reçoit la médaille d'honneur en même temps que Delacroix et Ingres. Même s'il ne reçut aucune commande officielle de l'État, ses toiles se retrouvent dans les collections des plus grands notables comme le duc d'Orléans, le baron de Rothschild ou le marquis de Masson. En 1857, il s'établit rue Saint-Merry à Fontainebleau, son « pays d'affection » et se lie d'amitié avec le peintre paysagiste Jules Dupré, proche de Théodore Rousseau. Malheureusement, ses paysages de la forêt de Fontainebleau sont très rares du fait que la maison de Madame Decamps, où elle conservait les oeuvres de son mari, a été détruite par un obus prussien, lors du siège de Paris, en 1870.
Alexandre-Gabriel Decamp photographié par Augène Disdéri en 1858.
L’écrivain Théophile Gautier compare Decamps, découvreur de la peinture orientaliste, avec Jean-Jacques Rousseau, découvreur de la philosophie de la nature. À l’occasion du Salon de 1845, il écrit : « Un des premiers, il a compris cette préoccupation que l’Orient inspirait à l’Occident. C’est à lui que nous devons d’avoir connu d’autres Turcs que Malek-Adel et le sultan Saladin : il nous a fait voir dans quelques pieds de toile l’azur et le soleil, les faces de bronze aux yeux de diamant noir, les chevaux maigres lançant des regards de feu sous leur crinière éparpillée, le chameau difforme et bizarre, ayant aux genoux des calus comme un dévot ou un courtisan, les palmiers épanouis en main ouverte, les horizons poudroyant de lumière, toute cette nature vivace et chaude dont nous n’avions aucune idée. Que de touristes enthousiastes il a envoyés en Turquie, en Asie-Mineure, en Égypte ! »
« Le suicide », vers 1836. Walters Art Museum, Baltimore.
« Les singes musiciens », 1836. Musée Antoine Vivenel, Compiègne.
« Le singe peintre », collection privée.
« La Chasse au furet en forêt de Fontainebleau », Musée de la Chasse et de la Nature, Paris.
« Le braconnier », vers 1847. Clark Art Institute, Williamstown.
Au centre de la place Decamps à Fontainebleau se trouve un buste du peintre, œuvre d'Albert-Ernest Carrier-Belleuse, inaugurée le 31 août 1862. Ce monument a été vandalisé en 2012, le buste a été recouvert de peinture rouge, la plaque dédicatoire volée. Depuis, une peinture verte recouvre le buste de bronze, ce qui est bien dommage.
Inauguration du monument Decamps à Fontainebleau, 1862.
L'ancienne sous-préfecture de Fontainebleau.
La place Decamps en 2014.
La grotte Decamps située sur le sentier du Rocher de Bouligny.